Médecine & Soins Témoignages

Consultation multidisciplinaire de la sclérose latérale amyotrophique au Centre Hospitalier du Valais Romand (CHVR)

consultation sla

Coup de projecteur sur le réseau interprofessionnel pour les maladies du motoneurone en Valais : La consultation multidisciplinaire ambulatoire de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) est proposée depuis 10 ans déjà sur le site hospitalier de Martigny du CHVR. Bilan et éclairage avec des spécialistes de l’Hôpital du Valais et un patient.

La SLA est une maladie dégénérative incurable affectant les neurones moteurs. Elle se manifeste par une paralysieprogressive des membres et de la région bucco-linguo-faciale. C’est la moins rare des maladies rares : en Suisse, environ 700 personnes en sont atteintes.

Consultation multidisciplinaire SLA 

La consultation multidisciplinaire est proposée au Centre Hospitalier du Valais Romand (CHVR) sur son site de Martigny depuis 2012. Elle regroupe des médecins et des soignant·e·s spécialisé·e·s de sept disciplines – la neurologie, la pneumologie, les soins palliatifs ainsi que la physiothérapie, l’ergothérapie, la logopédie et la nutrition, tout en intégrant activement le patient/la patiente et ses proches.

Les patients – accompagnés si possible de leur conjoint et/ou un proche – bénéficient durant toute une journée de diverses consultations spécialisées successives. Le programme s’achève par une réunion de synthèse, qui se déroule en deux temps distincts. Il s’agit tout d’abord d’une séance entre tous les intervenant·e·s de la journée à laquelle le médecin traitant et les autres professionnels suivant le patient en ambulatoire (première ligne infirmière, autres thérapeutes) sont également invités. Cette rencontre permet de partager de manière exhaustive à la fois sur les difficultés mais aussi les capacités préservées du patient, et de construire ensemble des propositions adaptées. Dans un deuxième temps, le neurologue responsable de la consultation, accompagné d’un ou plusieurs membres de l’équipe multidisciplinaire et des intervenants du domicile présents rencontre le patient et ses proches pour restituer le bilan de cette journée.

Cette consultation a lieu à un rythme défini avec le patient soit chaque 3, 6 ou parfois même 12 mois. L’objectif reste toujours le même : accompagner le patient en adaptant continuellement les propositions thérapeutiques à l’évolution de la maladie et à ses besoins.

Une journée de la Consultation multidisciplinaire SLA avec sa synthèse en images (synthèse de la journée à la minute 15.23)

Echo des spécialistes

Quelques témoignages et éclairages des protagonistes de la consultation SLA au CHVR :

Dr Didier Genoud, médecin agréé, Service de neurologie du CHVR

L’évolution de la SLA, rapide ou beaucoup plus lente, diffère d’un patient à l’autre mais son retentissement est sévère sur le malade et ses proches. Ce sont des situations difficiles, avec une prise en charge complexe et qui doit être adaptée régulièrement en fonction de l’évolution. Celleci se caractérise par une aggravation progressive et inexorable des troubles de la motricité touchant la mobilité des membres, la fonction respiratoire et la musculature bulbaire qui concerne la déglutition et l’articulation de la parole. En effet, malgré une recherche très active, il n’existe en 2022 pas de traitement curatif à ce jour.
Le Dr Benoît Wicki a rejoint la consultation il y a 3 ans. Il y apporte ses compétences neurologiques et ses qualités humaines dans la prise en charge d’une maladie particulière qui confronte les soignants à leurs limites.
Chacun, dans son domaine, y compris les patients et leur entourage, apporte sa contribution et enrichit cette évaluation multidisciplinaire. Elle nous donne une image globale du patient et de ses besoins et nous permet de proposer ensemble les mesures thérapeutiques adaptées à sa situation.
Divers modèles de prise en charge de la SLA existent, notamment en Suisse romande où nous entretenons des liens avec d’autres centres. Au CHVR, contrairement à d’autres cantons où le suivi est assuré uniquement à l’hôpital, nous proposons une prise en charge et un accompagnement du malade et de ses proches depuis le diagnostic jusqu’au décès du patient, à l’hôpital, à son domicile ou dans les institutions (EMS). Notre consultation SLA se veut également souple, adaptée aux particularités et aux besoins du malade. Si la situation le demande, le programme peut être condensé et allégé pour moins fatiguer le patient, par exemple en couplant la consultation logopédie et diététique et/ou l’ergothérapie et la physiothérapie.

Sarah Fournier
Resp du Pôle médico-thérapeutique, CHVR

Le secteur médico-thérapeutique avec la participation de quatre professions distinctes (physiothérapeute, ergothérapeute, logopédiste, diététicienne) est précieuse et met en valeur l’importance de l’interprofessionnalité dans cette consultation.
La mise en commun de compétences diverses avec le patient partenaire donne un vrai sens à nos évaluations et actions.
La centralisation des informations pour que toutes les thérapies et traitements se coordonnent et aillent dans le même sens est primordial. Cela permet de mettre en place la bonne thérapie au bon moment et d’intégrer le patient et ses proches comme acteur à part entière des améliorations, adaptations et propositions pour améliorer sa qualité de vie.
La plus-value de cette consultation reste le véritable esprit de collaboration entre tous les partenaires et l’expertise de chacun en reconnaissant le patient et ses proches comme des acteurs principaux de la prise en charge.
L’expérience de la journée SLA a permis de mettre en place d’autres consultations dans le secteur médico-thérapeutique. « La plupart des patients ont été, par la suite, suivis en ambulatoire afin de maintenir au mieux leurs capacités de parole, de déglutition ou encore pour instaurer des outils d’aide à la communication. Ce suivi est précieux pour la patientèle », relève Doriane Farnea, référente MTT, Service de logopédie du CHVR.

Dre May Monney
Médecin-cheffe, Service palliatif, CHVR

C’est une des seules maladies où nous savons d’emblée, dès le diagnostic, que la prise en charge sera palliative. C’est pour cela que la SLA peut être nommée « la maladie des 1000 deuils », avec sa progression évolutive et handicapante, plus ou moins rapide. Avant l’existence de cette consultation, comme jeune médecin, je me suis trouvée face à des patients SLA et je me suis sentie très seule : comment soutenir le patient et lui apporter du bien-être alors qu’à chaque consultation je constate les pertes imposées par la maladie ? Communiquer les mauvaises nouvelles et accompagner le patient face à la maladie grave est plus simple en équipe : décider de ce que l’on fait, quel traitement est le plus adapté, qu’est ce qui a du sens au fil du temps et durant le parcours du patient. Il s’agit d’une décision partagée et construite avec le patient. En soins palliatifs, nous avons l’habitude de travailler en binôme médico-infirmier. Notre fonctionnement « mobile » nous permet également de nous déplacer à domicile pour une consultation anticipée avant une journée multidisciplinaire à l’hôpital allégeant le programme pour le patient. De plus, nous pouvons poursuivre notre accompagnement sur son lieu de vie, en collaboration avec les équipes médico-infirmière de 1ère ligne. Rencontrer une équipe de soins palliatifs dès la première journée de bilan est souvent une source de craintes et d’angoisse. En effet, dans l’imaginaire collectif, les soins palliatifs sont encore trop souvent associés à la mort ! Nous expliquons au patient et à ses proches que notre but est d’aider et soutenir le patient pour qu’il ait la meilleure qualité de vie possible. Nous sommes une grande équipe autour de lui, avec les intervenants spécialistes de la consultation qui sont en lien avec les intervenants généralistes domiciliaires pour amener au patient un maximum de sécurité. Cette consultation interprofessionnelle permet d’identifier les personnes, l’équipe à l’Hôpital et les autres professionnels. Surtout que, par rapport à d’autres maladies dégénératives, le patient SLA reste souvent bien lucide tout au long de la maladie. Même si le diagnostic est identique, chaque patient a son histoire, son propre vécu de la maladie et il est important pour nous de mettre en avant les besoins, les désirs et les priorités de chacun. Notre objectif est d’offrir un accompagnement pour donner un maximum de qualité au temps qui reste et de l’apaisement.

Dre Isabelle Fresard, Médecin adjoint, Service de pneumologie, CHVR

Je suis très sensible aux aspects multidisciplinaires de la prise en charge. Avoir à disposition des spécialistes réunis au même moment, au même endroit, c’est précieux pour le patient et ses proches et les soulage énormément. Surtout si la maladie évolue vite, cela évite de multiples déplacements chronophages et permet d’économiser leurs forces pour mieux affronter cette terrible maladie.
Après la journée de consultation, lors des restitutions, on intègre le point de vue des intervenants des différents domaines médicaux, ce qui nous donne une image plus correcte et complète de la situation du patient. Ce n’est pas anodin, car au fil de la journée, le patient exprime les symptômes, ses ressentis, ses besoins ou attentes d’une manière différente. Tous les détails qu’il relève et exprime à l’ergothérapeute, au neurologue, à nous tous, contribuent à tirer les conclusions ensemble et obtenir une vision globale.
Même si les problèmes respiratoires ne sont pas toujours présents au diagnostic de la maladie, cela évolue dans le temps, de manière variable d’une personne à l’autre, et va être déterminant pour le pronostic et la prise en charge. Pour nous, les pneumologues, le fait de rencontrer les patients dès le début permet d’aborder ce qui peut survenir au niveau des maladies respiratoires et d’agir de manière précoce, dès que la situation du patient l’exige.
Une ventilation non invasive ou de la physiothérapie de désencombrement peut devenir nécessaire afin de pallier une faiblesse des muscles inspiratoires. Parfois, s’il y a une dégradation rapide, une consultation pulmonaire ambulatoire, en dehors les rencontres multidisciplinaires programmées, sera organisée. On s’adapte aux besoins du patient. Dans certaines situations, on fait appel à la ligue pulmonaire valaisanne pour une assistance à domicile.

M. Jean-Guy Nendaz, patient

Durant l’été 2016, j’ai consulté mon médecin traitant pour une toux persistante et quelques problèmes de déglutition. Le traitement prescrit n’ayant rien amélioré, mon médecin m’a pris rendez-vous chez un neurologue qui, après quelques tests pas très agréables, m’a diagnostiqué une SLA sous forme bulbaire avec une espérance de vie selon lui de 6 mois à une année. Il m’a également expliqué toute l’évolution de la maladie. Perspectives pas très réjouissantes.
Cela fait maintenant six ans que ma SLA a été diagnostiquée. Bien qu’amoindrie, mon autonomie me permet de faire les choses courantes de la vie, comme manger, boire, m’habiller, conduire, marcher, gérer mes affaires…
L’annonce du diagnostic : Le choc a été violent. J’occupais un poste de cadre avec du personnel sous ma responsabilité. D’un commun accord avec mon employeur, nous avons décidé de mettre fin immédiatement à toute activité professionnelle. Pour mes enfants ça a été l’incompréhension. J’étais à l’aube de la retraite et jusque-là en pleine forme. Pour eux c’était une forme d’injustice. Dans un premier temps la séparation semblait toute proche. Se faire à cette idée était difficile pour tous. Dès lors ils prennent régulièrement de mes nouvelles. J’ai surtout la grande chance de pouvoir compter sur le soutien permanant de ma compagne.
Vivre avec la maladie : S’en est suivi toute une batterie de test médicaux pour confirmer le diagnostic. Une fois la maladie confirmée j’ai été pris en charge par le Dr Genoud qui a atténué quelque peu les choses en me disant que l’espérance de vie était de 3 à 5 ans en moyenne, avec des cas qui allaient bien au-delà. Dans ma tête je m’étais préparé à du court terme. L’annonce de nouvelles perspectives par le Dr Genoud m’a redonné un moral tout neuf. Dès lors, j’ai fait un travail sur moi-même pour intégrer cette nouvelle notion et accepter ma maladie. Parfois j’ai l’impression qu’entre ma SLA et moi l’entente ne se passe pas trop mal. J’ai appris à l’accepter et, en contrepartie, elle me laisse un peu de répit.
Journées SLA : Dans un premier temps elles avaient lieu tous les 6 mois. Elles sont passées par la suite à un rythme annuel. Les deux premières consultations m’ont beaucoup apporté. On m’a donné de nombreux conseils très utiles (que j’appelle ma boîte à outils). Tout en étant pleinement conscient que, d’un point de vue thérapeutique, il n’y a pour l’instant aucun espoir de guérison ni d’amélioration, ces journées me réconfortent dans le sens où je ne suis pas seul face à mon problème. Il est vrai qu’après quelques consultations cela peut paraitre répétitif et sans apport significatif, surtout pour mon entourage direct, mais j’y trouve toujours un intérêt personnel intérieur. D’un point de vue purement rationnel cela permet de mesurer l’évolution et, en fonction, d’envisager de petits projets à court terme, comme des vacances.
L’équipe interdisciplinaire : le premier point que je tiens à relever est que j’ai à ma disposition une liste de spécialistes vers qui je peux m’adresser pour des questions particulières. Ça apporte un côté rassurant. A chaque consultation, je rencontre une équipe de spécialistes très compétents et à l’écoute. Le temps à disposition avec chaque intervenant est important et permet un échange en toute tranquillité. Je peux questionner et faire part de mes petits soucis, avec chaque fois des conseils ou des réponses appropriées et ceci sans pression de temps. Les sujets et les questions se chevauchent quelque peu entre les différents intervenants mais sans que ce soit trop gênant. J’y vois là un point d’amélioration.
Les compétences humaines : J’apprécie les compétences humaines de toute l’équipe. La maladie et ses conséquences sont abordés avec pragmatisme et beaucoup d’empathie. L’équipe de soins palliatifs, qui fait preuve de beaucoup d’attention à mes problèmes du quotidien, fonctionne pour moi comme une béquille sur laquelle je peux m’appuyer à tout moment.
Les compétences et l’engagement du Dr Genoud ainsi que son ouverture d’esprit à des solutions complémentaires (naturopathie) ne font que conforter ma confiance et mon adhésion au système en place.

Les objectifs en bref
– Améliorer la qualité de vie, maintenir l’autonomie, anticiper et compenser les incapacités dans la vie quotidienne
– Synchroniser les évaluations, faciliter l’accès aux examens spécialisés, améliorer la transmission des informations
– Adapter les traitements symptomatiques (crampes, douleurs, dépression, problèmes de salive, etc.)
– Proposer des thérapies pour éviter les complications liées à l’immobilité et aux troubles de l’alimentation
– Suppléer les fonctions vitales, notamment nutritionnelles et respiratoires
– Soutenir et accompagner le patient et son entourage tout au long de la maladie  

Liens utiles :
Dépliant d’information SLA
Vidéo de la journée de consultations de 2016
– Discipline sur le site internet : Sclérose latérale amyotrophique (SLA) – Hôpital du Valais (hopitalduvalais.ch)
– Association SLA Suisse : Verein ALS Schweiz | Wir helfen ALS-Betroffenen (als-schweiz.ch)
– ASRIIM Association Suisse Romande Intervenant contre les Maladies neuroMusculaires (asrimm.ch)

Une démarche qui s’inscrit dans la promotion d’une culture collaborative

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L’équipe interdisciplinaire
L’équipe collaborative

Schémas : Christine Theytaz

Cette dynamique que nous retrouvons dans la consultation SLA se manifeste également dans d’autres prise en charges au sein du CHVR, entre autres, lors de la prise en charge des patients souffrant de maladie pulmonaire interstitielle, du diabète de la consultation interdisciplinaire gériatrique ambulatoire…

À propos de l'auteur

Diana Dax

À propos de l'auteur

Joakim Faiss

Journaliste - Collaborateur spécialisé en communication